Contenu ou design pour la conversion ?
Les subtilités de la conversion en ligne enfin à la portée de tous : cette étude de cas porte sur deux sites de vente exploités par la même entreprise, qui cible les mêmes personnes et reçoivent chacun des quantités sensiblement égales de trafic search. Cependant, ces deux sites ne transforment pas les visiteurs en acheteurs dans les mêmes proportions. Et pourquoi donc, me direz-vous ? Petite analyse, traduction d'un article publié par Brian Massey sur searchengineland.com.
Tom Jackson exploite deux sites de réservation de dépose en hélicoptère en haute montagne : Heliski.com et Heliskiingreview.com, qu’il juge « vieux, un peu maladroit, avec trop de texte, mais il marche bien ». Face à lui, Heliski.com est « plus récent, avec un meilleur design, mieux organisé mais ne génère pas beaucoup de leads ». Par quelle magie le site vieillot distance-t-il largement le site flambant neuf en terme de conversion ? (NDR : Tom est un client de Brian Massey, auteur de l’article d’origine.)
Objectifs business et objectifs de conversion
L’objectif principal de Tom est que le visiteur réserve un voyage en hélicoptère par son biais pour se faire déposer avec ses amis skieurs au sommet d’une piste et la descendre ensuite gaiement. En tant que broker de déposes en hélicoptère (ou héliski), Tom permet à ses clients d’économiser sur leur billet et gagne une bonne commission sur chaque voyage vendu. Comme les héliskis ne peuvent pas être réservés depuis le site, la conversion consiste pour lui à faire appeler le visiteur à un numéro de téléphone pour qu’il réserve, s’inscrive à une alerte e-mail ou encore qu’il demande un voyage personnalisé pour lui et ses amis. Les deux sites étaient en ligne lors de la dernière saison de ski. Avant que nous n’allions plus loin dans les taux de conversion des deux sites, jetons un œil sur leur design et leur contenu.
Le design : impression générale
Le sentiment général qui se dégage des ces deux sites ne pourrait pas être plus différent. HeliskiingReview.com utilise un design inhabituel : le texte est d’un blanc aveuglant sur fond bleu, plutôt considéré comme plus difficile à lire que le noir sur gris de Heliski.com.
Heliski.com utilise un en-tête large et une barre de navigation située au-dessus du contenu. Le site se base sur un design très en vogue chez les webdesigners. Il utilise des boxes situées en bas de page pour mettre en avant les offres spéciales.
Les offres sont donc bien relayées, mais en bas, et souvent hors du cadre de chargement de la page. Pour la navigation, le vieux site HeliskiingReview.com utilise trois icônes brillantes avec des dessins parlants à un endroit inhabituel, en haut à gauche. C’est pourtant le premier endroit de la page que l’œil regarde lors du chargement (NDR: le fameux parcours de lecture en « F majuscule »). Les icônes oranges sur fond bleu couplées à un emplacement peu orthodoxe portent leurs fruits… même si elles feraient fuir en hurlant de désespoir tout chantre du bon goût.
Plus bas sur la page, une photo de trois skieurs négociant des virages dans une poudreuse vierge de toute descente nous raconte les bénéfices avec les détails qui plaisent aux skieurs patentés. Un designer tiquerait sur l’emplacement choisi et son corps serait pris de soubresauts incontrôlés. Mais le texte incite le visiteur à faire défiler l’écran vers le bas, et la photo illustre la liste d’avantages à réserver un héliski. Objectif atteint : ça marche.
Du texte qui convertit
Le contenu de HeliskiingReview.com va droit au but : l’argument de vente majeur est situé en haut de la page, écrit tout simplement (certes en anglais, mais bon).
Navigation et valeur ajoutée sont trop différentes
Le nouveau site utilise une mise en scène sur l’image ou la marque en établissant sa valeur ajoutée comme « la destination ultime d’héliski ». Malheureusement, c’est une promesse vide : contre toute attente, il est impossible de faire de l’héliski sur le site (sic).
Les textes des deux sites sont très différent dans leur approche : HeliskiingReview.com s’exprime dans un langage clair et basique avec des détails basés sur les bénéfices client, énumérés sous forme de listes à points et facile à mémoriser. Les détails sont justement le plus important pour la conversion.
Un designer maugréerait sur la grosse étoile maladroite avec la mention « Envoyez-moi des infos » qui fait un peu trop « vu à la TV ». Néanmoins, elle attire l’attention et se situe dans la zone de lecture primaire avec un call-to-action clair et incitatif.
Heliski.com se perd en vocabulaire et en périphrases, demandant par exemple “Prêt pour la prochaine aventure dans la poudreuse vierge ?!”. Le texte échoue à être persuasif et réussit surtout à perdre du sens pour devenir plus compliqué à comprendre.
Rédiger dans le sens du client
Or, la cible de Tom a les moyens financiers. Les brouzoufs. La maille. Il s’agit de skieurs aisés et expérimentés qui souhaitent un peu plus d’aventure. Ils sont donc déjà convaincus du produit, aussi semble-t-il inutile de leur ressortir des arguments de vente pour les persuader que c’est l’aventure ultime.
De plus, ces assertions sont lancées alors même que rien ne prouve que le site soit un référent sur le sujet. En face, HeliskiingReview.com déclare tranquillement « 10 ans d’expérience ». Paf. Pour reprendre les mots de Flint McGlaughlin de MarketingExperiments, « la clarté l’emporte sur la persuasion » : dans ce cas, HeliskiingReview.com l’emporte sur Heliski.com.
Les liens internes du texte ne mettent pas en avant le bénéfice client comme sur HeliskiingReview.com. D’ailleurs, le call-to-action le plus incitatif présent sur la page, à savoir « Souscrire aux news Heliski », n’est même pas lié à quoi que ce soit.
Page d'accueil par accident
La page d’accueil de HeliskiingReview.com a été conçue comme une « landing page » (une page d’accueil pour une offre spéciale). C’est une page conçue pour recueillir à bras ouverts prospects et acheteurs. En voici les caractéristiques :
- Pas de navigation associée qui entraîne le visiteur ailleurs, toute l’information nécessaire pour décider se situe sur la page.
- La page contient des calls-to-action clairs.
- Preuves, avantages et arguments sont clairement énoncés.
- Les photos sont pertinentes et complètent le propos, elles ne mettent pas en avant la marque et le visiteur n’a pas l’impression d’avoir affaire à une image de banque de données photos.
Heliski.com, quant à lui, est conçu pour maximiser l’engagement du visiteur, avec de nombreux contenus pour le quidam en quête d’information sur l’hélico en haute montagne. Cependant, Tom ne vit pas de la conviction de ses visiteurs, mais de leurs réservations effectives.
Mais voilà, surprise : HeliskiingReview.com a plus de contenu qualifié que Heliski.com. En effet, le site se concentre sur les lieux de dépôt en hélico, en offrant des offres combinées pour certaines parties du monde alors que Heliski.com fait la part belle aux opérateurs de trajets. Apparemment, ce ne sont pas les opérateurs qui passionnent l’audience. Un groupe de travail adéquat aurait pu mettre ça en évidence.
Et le champion de la conversion est...
HeliskiingReview.com possède un taux de conversion de 2,27% contre 1,99% pour Heliski.com. De plus, HeliskiingReview.com amène des prospects beaucoup plus qualifiés : 15,29% des visiteurs commandent un transport héliski contre 1,33% pour Heliski.com, soit 1146% de réservations en plus et des dizaines de milliers d’euros de commissions de vente pour Tom.
Avec un bon copywriter pour HeliskiingReview.com, il est possible d’optimiser le site pour les moteurs de recherche et d’en faire la porte d’entrée de toutes les futures actions marketing de Tom. Couplé à une stratégie e-mailing, il peut permettre de rester en tête de peloton jusqu’à la réservation finale. Le contenu de Heliski.com peut être utilisé comme appât dans les e-mailings commerciaux, mais il doit faire plus que donner la becquée à d’éventuels visiteurs et les transformer en acheteurs : Heliski.com a besoin d’un bon copywriter. Au bout du compte, avec un trafic search qualifié et quelques séances d’A/B Testing, HeliskiingReview.com pourra convertir à 10%, 15% ou plus.
Que retenir de cette étude ?
Cet article a beau avoir quatre ans, il reste toujours actuel. Trop souvent les webdesigners sont habitués à un style de communication visuelle développée par les marques et les marketeurs qui achètent espaces télévisés et prints comme d’autres achètent un café. Internet réagit différemment, et les webdesigners ne prennent pas assez en compte la conversion.
Aussi, méfiez-vous du designer qui prône la singularité de votre site, du chevalier de la transmission d’émotion ou du héraut du site neuf et frais avec une image avant-gardiste. Ce n’est pas toujours le meilleur moyen de faire fleurir un business qui vit de prospects en ligne et de ses ventes. En revanche, écoutez celui qui vous parle d’attirer l’attention sur l’offre spéciale, de penser d’abord aux pages d’accueil, voire de transformer celles-ci en pages de vente. C’est avec lui que vous irez boire le champagne.
Concevoir pour convertir, c’est compliqué : ne laissez pas vos designers écrire votre contenu. Travaillez main dans la main avec un copywriter expérimenté et faites-lui confiance, jusqu’à ce que vous vous rendiez compte que – certes – le texte ne fait pas la vente mais il provoque une plus forte implication de l’acheteur, et que la conception est la base de la page.
Quel aura été le plus grand atout de Tom dans ce cas ? Il connaissait ses statistiques : visiteurs, leads qualifiés, appels et réservations. Plus vous connaîtrez vos statistiques, plus vous saurez lesquelles améliorer.
Comment ? C’est à nous d’en parler 😉
Rédigé et traduit de l’anglais par M.T.
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Lire l’article original en anglais par Brian Massey
Site de l’auteur Brian Massey : http://conversionsciences.com/
Note du 3 juillet 2015 : Les deux sites dont il est question dans l’article ont depuis changé de design.
http://heliskiingreview.com/
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